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" J’AI EU DES EMOTIONS FORTES PENDANT LE MONDIAL 2019"

   

 

Il y a un an jour pour jour, ce dimanche 7 juin, France 2019 débutait en fanfare par une éclatante victoire du pays hôte, au Parc des Princes, face à la République de Corée (4-0). À l’occasion du premier anniversaire du coup d’envoi de la meilleure Coupe du Monde Féminine de la FIFA de l’histoire, la sélectionneuse des Bleues, Corinne Diacre, a accordé un entretien exclusif à FIFA.com où elle revient notamment sur le parcours des Françaises, sur l’engouement populaire et médiatique sans précédent autour d’une compétition qui a battu tous les records, et sur son bilan à la tête des Tricolores.

Corinne Diacre, vous souvenez-vous précisément de votre état d’esprit il y a un an ?

Tout le monde avait juste hâte de commencer la compétition. Nous avions débuté la préparation début mai, donc les filles étaient juste impatientes d’en découdre. Il n’y avait pas de nervosité, surtout de l’impatience et de l’envie.

Est-ce que vous étiez satisfaite de cette entrée en lice face à la Corée du Sud ?

C’était au-delà de mes espérances, très franchement. Nous menions 3-0 à la mi-temps, le score était quasiment acquis. Après 5 à 10 minutes de flottement, les joueuses ont su jouer comme elles savent le faire et être performantes. Et puis avec un public aussi nombreux et une telle ambiance, le désir de bien faire était décuplé.

Comment avez-vous vécu cette ferveur populaire ?

L’équipe de France a l’habitude de jouer devant 20 000 à 25 000 personnes, selon la jauge des stades. Mais là, jouer dans un Parc des Prince plein, avec tous les gens aux abords du stade pour l’arrivée du bus, les drapeaux bleu blanc rouge… C’était juste phénoménal. On en rêvait quand on était devant notre télé et que l’on voyait ce qu’il se passait autour de l’équipe de France masculine, et ce rêve est devenu réalité. Ça nous a fait beaucoup de bien.

Le huitième de finale contre le Brésil a été très âpre et très disputé. Est-ce que vous vous attendiez à un tel match ?

Oui, vraiment. Le Brésil a beaucoup de qualités, avec des joueuses stars, et ne rate jamais un grand tournoi international. C’est une grande performance de les avoir sorties, mais en même temps c’était juste impossible pour nous de tomber sur elles dès les huitièmes, mais c’est arrivé parce qu’elles ont fini troisièmes de leur groupe. Ce sont les aléas d’un tournoi, mais ça ne nous a pas facilité la tâche, c’est certain. Nous avons laissé des forces dans cette rencontre, d’autant qu’on a joué les prolongations. Trente minutes en plus, ça compte, surtout avec la chaleur.

Pensez-vous avec le recul qu’il était possible de battre les Américaines, qui vous ont éliminé en quart de finale (1-2) ?

On connait les qualités des Américaines, mais l’équipe de France a les siennes aussi. Sur un match, tout est toujours possible. Nous avons cherché à les contrarier et à jouer sur nos forces, d’ailleurs nous les avons mises en difficulté. Hélas, nous n’avons pas réussi à trouver la faille assez vite, et surtout nous avons encaissé ce premier but beaucoup trop tôt. Certaines joueuses sont rentrées avec trop de pression dans ce match, et il y a eu un enchainement d’erreurs en début de match… C’est ça qui nous plombe.

On a senti un manque de confiance chez les Bleues, ce qui est justement une des grandes forces des Étasuniennes…

Oui, c’est sûr que la culture est complètement différente. Mais malgré tout, nous avons eu un très gros et long temps fort dans cette rencontre. Le problème, c’est que nous n’avons pas su marquer pendant ce temps fort, qui a duré tout de même 20-25 minutes. Et c'est là qu’elles ont marqué le deuxième but sur un contre, alors que nous étions très portées vers l’avant. Il nous a manqué cette faculté à y croire jusqu’au bout.

L’équipe de France masculine a attendu très longtemps avant de gagner une grande compétition (EURO 1984)… Qu’est-ce qu’il manque encore aux filles, selon vous, pour se hisser en finale et l’emporter ?

Il faut continuer à accumuler de l’expérience dans ces grands tournois mondiaux. Malheureusement, nous ne jouerons pas le prochain Tournoi Olympique, mais c'est justement ce genre de compétition qui fait progresser. Nous avons cette barre fatidique des quarts de finale que nous n’arrivons plus à franchir depuis 2012. Au-delà de l’adversaire, on a cette chape de plomb au-dessus de la tête qui nous poursuit, et qui en plus nous fait jouer moins de matches vu que nous n’allons pas aussi loin que nous le pourrions. Il nous manque cette habitude de figurer toujours dans le dernier carré. Mais on va y arriver, on travaille pour ça.

Sans parler des Bleues, est-ce qu’une joueuse vous a particulièrement impressionné pendant ce tournoi ?

L’Américaine Rose Lavelle m’a fait forte impression, au milieu de terrain. Elle n’était pas connue du grand public avant cette Coupe du Monde mais elle a su, au fil du temps, se faire une place de titulaire. J’ai discuté avec Jill Ellis quelques temps après le tournoi, et elle a loué ses qualités tant humaines que footballistiques. Pour moi, elle a été la révélation de cette équipe et de ce tournoi.

Comment avez-vous vécu la pression médiatique autour de cette Coupe du Monde ?

C’est vrai qu’il y a de plus en plus de sollicitations médiatiques, mais ce n’est pas une ancienne joueuse des années 90-2000, qui a connu le quasi-anonymat du foot féminin qui va s’en plaindre (rires). Ce serait faire injure à nos ainées, aux générations précédentes, qui se sont battues pour cette reconnaissance. Je pense à toutes ces anciennes internationales qui auraient rêvé de vivre ça. Après, la médiatisation a ses avantages et ses inconvenants et il faut l’accepter. L’engouement médiatique autour de cette Coupe du Monde a dépassé toutes les attentes, et tous ceux qui ont découvert la discipline à cette occasion en ont tiré un avis positif.

Est-ce que certaines critiques vous ont déplu ?

On nous avait promis le même traitement que les garçons. À partir de là, on ne pouvait pas être surpris. On connaissait les règles du jeu. L’important c’est de réussir à se protéger à garder le sens des priorités.

Lors de cette Coupe du Monde, avez-vous été touchée de voir le chemin parcouru par le football féminin depuis l'époque où vous étiez joueuse ?

J’ai eu des émotions fortes pendant cette Coupe du Monde, notamment au moment de la Marseillaises avec tout le public qui chante. Après, c’est une compétition et on ne peut pas s’éparpiller. On m’a trouvée souvent fermée… C’est surtout que j’étais très concentrée sur notre objectif, focalisée par ce qu’il se passait sur le terrain. On ne peut pas se permettre de s’échapper ne serait-ce qu’un instant et contempler le public. Chez moi, la concentration peut faire que je suis fermée, peut-être encore plus que d’habitude (rires).

Est-ce qu’il y a d’autres entraîneurs qui vous inspirent ?

Je n’ai pas de modèle particulier, mais je m’inspire de plusieurs entraîneurs en les lisant ou en échangeant avec eux. J’ai la chance de participer au Programme de mentorat de la FIFA qui me permet d’avoir des relations différentes avec les autres entraîneurs, d’échanger plus régulièrement. Je trouve que ce programme a levé quelques barrières et nous a permis de sortir de la compétition, d’échanger sans pression du résultat, de manière plus détendue et constructive.

Votre bilan de sélectionneuse est le meilleur de l’histoire des Bleues (35 matches, 27 victoires, 4 nuls, 4 défaites). Est-ce une source de fierté ? Trouvez-vous qu’on en a assez conscience ?

En tous cas, vous êtes le premier à me le dire ! (rires) Je ne dirais pas que c’est de la fierté mais plutôt de la satisfaction du travail que nous accomplissons avec mon staff, même s’il nous manque encore cette grande victoire. C’est sans doute pour ça que nos bons résultats passent inaperçus. Malgré tout, toutes ces victoires nous donnent un très bon socle qui solidifie le groupe et lui permet d’emmagasiner de l’expérience.

En conclusion, pouvez-vous nous dire comment vous avez vécu cette période de confinement, sans matches à préparer ni joueuses à superviser ?

Finalement, plutôt bien. Je me suis reposée au tout début du confinement. Comme nous n’avions plus d’échéances à court ou moyen terme, j’ai pu vraiment décompresser. Je pense avoir digéré la Coupe du Monde fin mars 2020 ! Ensuite, le fait de rester à la maison m’a permis de faire un bilan approfondi de la dernière saison, mais aussi de me projeter dans l’avenir, de travailler et de réfléchir en profondeur avec mon staff sur ce que sera le jeu de l’équipe de France dans le futur.

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